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Un projet de code du travail d’une logique récurrente : des opportunités et des risques pour les PME

La modification contractuelle des seuils de sanction du coût du travail et l’assouplissement des modalités du rapport au temps travaillé sont elles propices à résoudre un double problème ? Construire une dynamique de l’emploi avec l’acceptation par les employés et les entreprises jusque-là peu enclines à saisir les opportunités d’évolution dans leur mode de gestion des horaires de leur personnel.
Le projet de loi de la ministre El Khomri, au pinacle de la tweetosphère au jour de sa parution ouvre à la négociation sur la modification de l’organisation du temps de travail.
Trois grandes idées fortes sont à retirer pour le temps de travail :
En premier l’extension et la généralisation de la flexibilité inter-semaines des temps de travail comptabilisés au-delà de la semaine,
En deuxième la facilitation des accords sur les forfaits jours individuels notamment dans les TPE,
Enfin, les temps de travail et de repos quotidiens, hebdomadaires qui s’approchent des normes européennes.
Et dans la forme que prend la négociation collective, deux grands principes. La primauté des accords d’entreprise et d’établissement est généralisée dans les articles sur l’organisation du temps et la définition des seuils quotidiens, hebdomadaires, (la primauté détruit le recours au principe de faveur puisqu’il n’y a plus de conflit de lois, principe de faveur qui donnait au salarié le bénéfice du texte le plus favorable). La déficience de la représentation syndicale qui doit trouver une nouvelle légitimité par le dialogue : la proportion du poids syndical dans le blocage d’un accord sera contrebalancée par une consultation des salariés engagée par un accord d’une représentation cumulant 30% des votants aux élections syndicales avec la suppression du véto d’un syndicat majoritaire.
Mais qu’est ce qui en fera sa réussite, où les lois Aubry, et Sarkozy ont échoué notamment dans l’instauration de la modulation ( déployée à aujourd’hui dans moins de 10% des PME, malgré l’évolution de la loi Warsmann sur l’automatisation de l’application sans accord individuel)?
Prenons d’abord ce premier cas, de l’extension de la modulation. La loi propose sans accord ni négociation, de faire passer la base de seuil d’heures supplémentaires à 560 heures sur 16 semaines pour les entreprises de moins de 50 salariés et en faisant sauter le seuil des 39 heures hebdomadaires au-delà duquel il fallait rémunérer en heures supplémentaires chaque semaine. Auparavant le seuil était fixé pour 4 semaines soit 140 heures avec un seuil à 39 heures : impossible de couvrir les périodes de congés d’un salarié par un surcroît d’activité d’un autre … Le salarié reste rémunéré sur la base 35 heures toutes les semaines. En dehors des entreprises, à forte saisonnalité sans être saisonnières qui vont y trouver leur compte, l’emploi en CDI va pouvoir trouver une continuité et donc une expansion, où l’employeur réduisait ses équipes sur la base des heures des périodes basses pour embaucher en période forte des compléments d’heure moins efficaces, il emploiera une quantité d’employés sur la base moyenne des heures. L’extension à 3 ans des accords de modulation du temps de travail concernera les gros employeurs soucieux d’éviter la lourde sanction de la contrepartie obligatoire en repos (COR) en fin d’année de modulation lorsque leur carnet de commande se remplit de façon discontinue.

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La négociation collective enfin permet de passer à 12 heures le temps de travail quotidien au lieu des 10 heures actuelles alors que de tout temps ce sont les 11 heures de repos quotidien qui obligent toujours l’employeur comme pour l’Europe. Une vacation de 12 heures hier avec 2 heures de pause donc 10 heures travaillées et payées pourra avec l’évolution de la loi être travaillée et rémunérée pour 11 h 40 mn. On en viendra alors comme en Allemagne à chercher une norme du repos avec le temps de vacation majoré des temps de transport, établie sur plusieurs jours.
Le forfait-jour si son utilisation est facilitée et étendue, reste peu sécurisé. En facilitant son utilisation aux PME et TPE par des contrats individuels de gré à gré, il sera possible au salarié d’étendre la durée hebdomadaire jusqu’à 60 heures ! Dans ce cadre (en plus des organisations cycliques telles que connues dans le milieu hospitalier), il faudra pour cela justifier de « circonstances exceptionnelles » comme pour la réduction des délais de prévenance parmi lesquelles on lit au hasard des convention collectives ‘arrivée ou départ de clients non prévus, retard ou décalage dans les arrivées et départs, conditions météorologiques, surcroît d’activité pour pallier les absences , toute circonstance revêtant la nécessité d’une intervention rapide, non prévisible et qui ne peut être différée, indisponibilité des locaux, indisponibilité de l’outil de travail indépendamment de la volonté de l’employeur, les cas de force majeure, le surcroît exceptionnel d’activité’. Les conditions pour établir un forfait jour sont toujours de 218 jours maximum soit 11 jours de RTT au minimum. Mais les autres conditions ne changent pas et toute la jurisprudence de la cour de cassation non plus. L’employé doit être autonome dans la gestion de son temps et doit donc avoir les outils et l’organisation de son autonomie. La loi n’a pas amené à définir la limite entre autonomie et soumission aux directives de l’employeur justifiées par l’intérêt d’organisation de son entreprise (autrement dit jusqu’à quand son autonomie va gêner le bon fonctionnement de la planification du groupe). Et surtout en l’absence de modification de l’article L4121-1 sur lequel s’est appuyé la cour de cassation pour condamner les employeurs à payer rétroactivement sur 3 ans les heures supplémentaires supposées, l’employeur devra en plus de s’assurer que le planning prévisionnel offre un équilibre correct avec sa vie personnelle, que le ‘forfait jour’ a bien pointé ses 11h de repos quotidien, un repos hebdomadaire d’au moins 24h et une durée du travail moyenne sur 4 semaines qui n’excède pas 48 h. Même si le texte rénové le dégage aujourd’hui de la responsabilité d’un écart fait par l’employé sur son prévisionnel, l’article proposé trouvera le même devenir que l’article 3121-48, la cour de cassation donnant importance aux directives Européenne par le truchement du devoir de maintien en santé. Le forfait jour s’inscrit potentiellement comme un risque énorme pour les PME qui ne disposent pas d’outils de contrôle adaptés aussi bien dans le prévisionnel que dans le réalisé.
L’assouplissement pour les Temps partiels était attendu. Mais comme précédemment les PME vont toujours être soumises à la contradiction entre l’organisation stricte sur la semaine du temps de travail imposés pour les contrats à moins de 24 h et la possibilité de recourir à des aménagements sur le mois ou tout autre période tels que prévus par la loi qui forcement vont à l’encontre d’une ‘stricte organisation’. Cette contradiction fait l’objet de l’établissement d’une jurisprudence sévère. Le passage du délai de prévenance pour les contrats de plus de 24 h, d’un minimum de 7 jours à 3 jours, n’y fera pas grand-chose. Au grand dam de nos politiques, nous n’en viendrons pas à résorber le chômage par l’accession au niveau d’emploi de temps partiels connu en Allemagne. Heureusement ces lois issue des accords ANI bénéficient aux étudiants qui remplissent en plus des cases soirées et dimanches, les compléments d’heures, mais ne rentrent pas dans les statistiques des demandeurs d’emploi satisfaits.
Dans sa mise en œuvre, si cette évolution sociale n’est pas bloquée par les DRH toujours frileuses à se lancer dans la perturbation de leurs décomptes de jours d’absence, de correspondance de paye avec des heures travaillées ou non (voire d’astreinte), et surtout des DRH sans conviction pour aborder le dialogue, la proposition de loi de la ministre, pourra amener une réorganisation des équilibres d’équipes dans les PME entre des salariés à temps plein modulés ou non, des temps partiels modulés ou non, des forfaits jours et des autoentrepreneurs. Ce sont les esprits qui seront à bousculer, esprits qui jusque-là se sclérosaient à l’abri des murs du labyrinthe du droit social.

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Philippe Gosselin

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