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Vous avez dit 35 ?

L’organisation du temps de travail : la nécessité de penser autrement

Le temps de travail à 35 heures symbolise l’organisation du travail à la française, au même titre que les cinq semaines de congés en sus des pléthoriques jours fériés. Le symbole est toujours plus fort que la réalité, et la stigmatisation de cette réforme empêche d’en tirer les avantages.

Average collectively agreed normal weekly hours, 2009 source EIRO

Toutes les études publiées par l’Europe ou de la Commission des Comptes de la  Sécurité Sociale Française portent sur le coût salarial horaire, moyen du pays. Le salaire moyen dépend forcement de la structure de qualification de l’emploi dans le pays. Une approche objective, comme ci-dessous décrite, porte sur le coût horaire des salariés au SMIC ou proches du SMIC ( minimum wages ) dont on suppose le niveau de qualification requis identique dans les pays qui le pratiquent, coût horaire global payé par l’entreprise ramené au standard européen de temps de travail.


La réalité des 35 heures se confronte au retour des statistiques européennes sur les heures travaillées. Statistiques,  selon lesquelles les Français, pour les contrats à temps plein, travaillent en moyenne 41.1 heures par semaine de travail, soit ½ heure de moins que la moyenne de la zone Euro qui s’établit à 41.6 heures- écart bien inférieur à la différence de la durée légale du travail avec la moyenne européenne : 3.4 h.-

La réalité de l’écart est liée d’une part aux disparités de temps de travail par catégorie salariale et d’autre part à la méthode de décompte des heures travaillées selon les normes européennes :

  • Sur la population totale des travailleurs à  temps complet, en France les 31 % de cadres, agriculteurs et professions libérales qui font partie des temps plein, travaillent 5,3 heures de plus que la moyenne nationale. A eux seuls, ils augmentent le temps moyen des temps plein, de 1.6 heures, surpassant la moyenne Européenne. Ce qui donne, après suppression des cadres, agriculteurs et profession libérale , 39.5 h en France et 40.4 heures sur l’Europe.
  • Sur une base attendue de 1610 heures annuelles ( en 2009 ) qui correspond à une semaine de 35 h, l’Insee constate, elle, une durée de travail de 1660 heures annuelles soit 36.10 heures[1]. La différence avec le décompte européen, provient du nombre de jours travaillés que prend en compte l’Insee, 209 pour 226 attendus ( 17 j d’absences – en plus des 5 semaines de congés et des 7 jours fériés – dont 14,5 jours d’absentéisme par salarié), de la prise en compte des temps d’équivalence ( attente etc…) comme du temps de travail en norme européenne et du décompte des pauses, habillage-déshabillage en temps de travail.

Pour le décompte Insee, ramené aux journées réellement travaillées, le temps de travail pour les contrats 35 heures des professions d’employés, ouvriers et intermédiaires est, hors absences maladie et jours de congés ‘offerts’, de 38.6 h soit 10 % d’heures supplémentaires en moyenne ( 3.6 h à comparer avec les 1.1 h paid overtime hours au Royaume-Uni  pour 40.1 h de temps de travail moyen hebdomadaire, normes européennes– en temps plein -).

Il n’y a donc pas de problème de flexibilité vers le haut des horaires à temps plein, problème qui serait lié aux 35 heures. Le travailleur à temps plein français, même s’il est tiré vers le haut par une population, cadre et professions libérales, hyper dynamique, n’est pas devenu désœuvré avec les 35 heures.

L’image désastreuse des 35 heures serait donc potentiellement liée à la différence de coût entre les 41.1 heures payées en France et les 41.6 heures payées, dans les pays à forte capitalisation de l’appareil productif en Europe.

Sur une base de durée de travail libre, le ‘Minimum Wages’ en France (SMIC français comprenant les congés payés sur une base de mensualisation) est de 10.68 € de l’heure mensualisée ( 1607 heures annuelles travaillées) contre 8.35 € au Royaume uni (1817 heures annuelles travaillées hors heures supplémentaires)  ou 9.74 € en Irlande (1801 heures annuelles travaillées hors heures supplémentaires)  , 10.29 € et 10.37 € aux Pays Bas  (1713) et en Belgique (1737)  respectivement. Mais à 40 h travaillées, le SMIC français payé en brut se porte alors à 11.01 € (malgré les lois Fillon ) en raison du taux de majoration des heures supplémentaires applicable dès le dépassement des 1607 h/an.

A cet écart ( de 7% à 31 % sur les pays qui affichent un minimum wages élevé), il faut ajouter le différentiel de charges patronales :  42.4 % ( ramené à 30.3% pour un salaire au SMIC avec les allègements Fillon ) en France contre 33% en Belgique, 12,3% au Danemark et 27.6 % en Allemagne, ou 13 % au Royaume Uni et 35 % au Pays Bas ( les données sur les charges patronales tiennent compte de régimes privés additionnels quasi obligatoires – prélèvements obligatoires non fiscaux– dans les pays concernés ). En passant à 40 h, un salarié au SMIC touchera 40/35em de SMIC sur la base de calcul des avantages Fillon qui donneront à minima des charges de 32.2 %, donc un coût de l’heure payée sur la moyenne des heures hebdomadaires travaillées en Europe des 12, de 14.5 €.

Comparativement, en dehors des arrangements de salaire minimum, liés à des populations particulières (jeunes etc…) le coût global minimum supporté par une entreprise pour une heure travaillée sur une semaine base 40 heures serait de 13.79 € par heure en Belgique , 13.89 €/h aux Pays Bas et seulement 9.43€, au Royaume Uni. Les 35 heures combinées au SMIC font que dans l’Europe, l’heure travaillée au salaire de base sur 40 heures effectuées par semaine, est en France la plus coûteuse malgré les abattements dits Fillon  sur les bas salaires. Le surcoût va de 5 % avec nos voisins Belges et Néerlandais à plus de 63 % avec le Royaume Uni.

Il ressort de ces chiffres que l’emploi sous productif en France sera beaucoup plus difficile à introduire dans le marché du travail à plein temps que dans les autres pays européens. Donc une entreprise, qui voudrait concurrencer les structures exportatrices qui s’appuient sur une main d’œuvre peu productive à l’heure travaillée, ne peut que se réfugier derrière une structure protégée de son marché ( ex BTP, Distribution, Services à la personne … ). Or l’ouverture des frontières intra-européennes et l’évolution vers le net market ne vont pas dans le sens d’une protection de marché.

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Philippe Gosselin

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